Au poignet, la Bulgari Octo se joue des perceptions
Sans concession, la nouvelle Octo est taillée pour les mâles qui aiment le chic grand format. Paradoxale autant que fascinante, elle est cohérente à tout point de vue. Watchonista l’a portée pour vous.
L’Octo appartient au trousseau des icônes de l’horlogerie dessinées par le défunt Gérald Genta. Auteur de la Royal Oak, de la Nautilus, de l’Ingénieur ou encore la Constellation d’Omega, celui à qui on attribue l’invention même du «design horloger» par opposition aux plans d’ingénieurs retouchés par des dessinateurs, était dit-on fasciné par la forme octogonale. La nouvelle Octo sur bracelet acier que nous avons portée quelques semaines fait honneur à cet héritage tout en lui offrant une nouvelle personnalité en phase avec son époque. Nous y avons trouvé une série de paradoxes subtils et passionnants qui lui confèrent force et originalité. Retour sur une pièce aussi splendide qu’inhabituelle.
Grand format
Durant tout le test, l’Octo se sera jouée de nos perceptions - et de celles des autres -, comme l’aurait fait un magicien génial. Premier paradoxe: son gabarit. Techniquement, le diamètre atteint 41,5 mm. Un standard du moment et qui correspond bien au portrait photo. Mais passez l’Octo au poignet et première surprise: elle développe son gabarit nettement plus largement qu’imaginé. De fait, elle se déploie sur 47,40 mm de longueur d’une paire de cornes à l’autre! La belle bascule ainsi naturellement d’un format usuel au segment des montres grand format qui en imposent. En soi, cette démonstration de puissance inattendue fait son effet. Elle surprend et séduit, ou le contraire. Second paradoxe: sa morphologie s’adapte aussi parfaitement à un poignet plus petit. Une femme aimant les grands modèles peut donc s’en emparer et la porter.
Le plus surprenant ici tient dans la manière dont l’Octo épouse le poignet. Elle s’y love à tel point qu’on doute parfois qu’elle l’enserre vraiment, si ce n’est sa masse, bien présente, qui vient le rappeler. Et de se demander s’il s’agit bien d’une montre, ou alors d’une révolutionnaire manchette pour homme? Troisième paradoxe donc: l’Octo serait un bijou. Cet argument qui éclot si souvent dans la rhétorique promotionnelle trouve en tout cas ici une incarnation parfaite. L’harmonie est en effet totale entre le bracelet et la tête de montre, et pas seulement en termes d’intégration de l’un dans l’autre.
Les corrélations sont multiples: un aspect brut avec des finitions de haut niveau, de multiples facettes, une épaisseur légèrement au-dessus de la moyenne mais toujours proportionnée. La largeur de bracelet dépasse aussi les normes habituelles ce qui renforce encore ce sentiment.
L’association avec l’univers joaillier ne s’arrête pas là. Le bracelet est si fluide et souple qu’il réagit à la moindre sollicitation. Un succès compte tenu de la difficulté à les rendre agréable pour les faire oublier. Sans exagérer, il semble même vivant, du sous-ordre des reptiles qui glissent et s’enroulent pour se déplacer. Un hasard? Peut-être. Mais heureux dans tous les cas car la légendaire et féminine Serpenti se découvrirait ainsi un nouveau membre dans la famille. Ici, les anneaux se seraient mués en maillons biseautés et polis au centre. De quoi former une très belle et régulière suite de reflets en cascade.
Géométrie fondamentale
Symboliquement, la forme octogonale et le chiffre huit incarneraient la fusion parfaite entre deux formes géométriques fondamentales: le carré et le rond. En d’autres termes, elle résout l’insoluble et antique problème géométrique de la quadrature du cercle. Par ailleurs, la forme octogonale trouve aussi une résonance dans plusieurs religions.
L’Islam et le Christianisme y verraient une forme sacrée évoquant la régénération, la résurrection. Avec l’Octo, Bulgari explore la thématique grâce à une lunette biseautée et ronde qui chapeaute un rehaut et un boîtier octogonaux. Ce qui fait émerger un quatrième paradoxe. Ce mélange de droites et de cercles qui créent en effet une tension maîtrisée. L’œil ne se lasse pas d’essayer de comprendre le sens de cette géométrie finement calculée. Ce jeu de formes est encore renforcé par l’alternance des surfaces passant du poli au satiné pour créer des contrastes. Au total, le boîtier présente 110 facettes. Un chiffre record qui joue parfois contre lui puisque certains y voient une lourdeur, un excès. Selon eux, l’étude d’un volume à révéler aurait en effet débordé sur un autre challenge: inventer le boîtier disposant d’un maximum de plans. Toutefois, l’Octo se veut une montre volontairement clivante. Ce qui signifie que les points distinctifs déplaisant à certains font justement le bonheur de ceux qui l’aiment.
Noir d’encre
La version en test affichait un cadran d’un noir d’encre réalisé à l’aide de plusieurs couches de laque superposées et polies. Il est ponctué d’index bâtons diamantés et d’un guichet pour la date.
D’aucuns ont regretté ce guichet, trop petit à leurs yeux. Un point de vue discutable car elle reste lisible et ne vient surtout pas galvauder la pureté architecturale de l’ensemble. De plus, l’épaisseur du guichet correspond parfaitement à celle de l’aiguille des heures, une corrélation qui renforce l’esprit de maîtrise émanant de l’Octo. Quant aux aiguilles justement, elles évoquent l’Antiquité avec leur forme d’obélisque squeletté et biseauté.
Proposant simplement les heures, les minutes, les secondes (au centre) et la date, l’Octo est équipée du mouvement mécanique manufacture à remontage automatique unidirectionnel BVL 193. Calibre visible à travers une glace saphir sur le fond, il est équipé d’un double barillet. Perlé, satiné et décoré de Côtes de Genève, il présente des finitions cohérentes avec le positionnement d’une montre vendue 8’900 francs en Suisse. Un prix agressif au su de la qualité du produit, de sa légitimité et qui se fond naturellement dans le magnifique répertoire Bulgari. L’Octo se réserve donc à ceux – et celles? – qui osent l’audace d’être classiques et chics en jouant des paradoxes.